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Jacques Loubelo, à l’occasion de ses 50 ans de carrière musicale, au C.c.f «Je ne voudrais pas une récompense à titre posthume»


Jacques Loubelo, icône de la musique congolaise, avait sombré, depuis plusieurs années, dans l’anonymat le plus complet. A l’occasion de son 70ème anniversaire et de ses 50 ans de carrière, l’artiste a livré deux concerts mémorables, les 28 et 29 janvier 2011, dans la salle Savorgnan De Brazza du C.c.f (Centre culturel français), à Brazzaville. A cette occasion, celui qui est surnommé le «Brassens congolais» a déclaré: «Je ne voudrais pas une récompense à titre posthume». 

Si son retour sur scène est vivement salué par le public, ses prestations se font plutôt rares. Pour les noces d’or de sa carrière, Jacques Loubelo a donné au public brazzavillois deux grands spectacles, produits par Ebene Event. 
Le public est venu nombreux célébrer la chanson congolaise pendant ces deux soirées de concert. 

Dès l’entrée de l’artiste sur la scène baignée dans une pénombre, les acclamations sont montées du public. Une guitare, celle du virtuose, et un tabouret trônaient au milieu du plateau. Pour ce double anniversaire – l’artiste fête également ses 70 ans d’âge cette année- Jacques Loubelo était en noir et or. Des couleurs que reprenait le sobre décor qui affiche, en grand, son nom, et en lettres pailletées d’or, 50 ans. 

Le visage de l’artiste qui a gardé son charme et sa prestance d’antan, s’est éclairé d’un sourire apaisant. « Bonsoir! Ça fait chaud au cœur de vous voir ce soir, merci d’être venu! ». Des applaudissements ont, tout de suite, retentis dans la salle. Et juste quand il a voulu entamer une chanson, une voix s’est élevée; celle d’un griot téké, chantant et vantant ses mérites. Cette icône nationale de la musique. Pour le remercier, Jacques Loubelo lui glisse, subrepticement, un billet de banque. Le griot fait une révérence. 
Le public applaudit, surpris par cette mise en scène. Aussitôt, la voix monte. Sa voix suave, autrefois limpide, est un peu cassée. Ntela nsamu (raconte-moi), un titre qui n’est pas loin de rappeler celui du groupe ivoirien Magic système, Secret d’Afrique, est le premier morceau que le chanteur a servi aux spectateurs. Un frisson de nostalgie a semblé parcourir quelques mélomanes. 

Sacré Jacques! Sa musique n’a pris aucune ride, lui-même a confié au public: «J’ai 70 ans, pourtant, je pense en avoir encore 20». Propos qui a déclenché l’hilarité générale. 
Au bout de près de deux heures de spectacle, le chanteur a passé en revue les titres phares de sa discographie: Mwasi na ngai, Tolo pele, Bulawayo, Congo akolela, Aminata… Certains morceaux comme «Ya Samba», «Mutampa», «Nawo tsetsa», «Bulawayo» ou «Congo», ont été revisités pour l’occasion, par un chœur de quatre choristes, et par deux violonistes de l’orchestre symphonique de l’église kimbanguiste qui ont accompagné l’artiste. Un vrai ravissement pour le public qui a repris en chœur quelques titres, émouvant au passage l’artiste qui, par moment, a semblé se perdre dans ses interprétations. 

L’amour, l’unité, la paix, les problèmes sociaux, autant de thématiques que Jacques Loubelo, blagueur et un tantinet sociologue, décortique sans retenue dans ses chansons. Anecdotes, clins d’oeil, ont rythmé les spectacles. 

En guise d’intermède, une petite surprise a été servie au public, avec la prestation d’une jeune artiste de 7 ans, Jolivette, qui, avec sa guitare, a interprété quelques morceaux à l’honneur de papa Jacques. 
Et comme à chacun de ses spectacles, « Congo», titre resté à la postérité comme hymne de l’unité nationale, et qui a fait accéder Jacques Loubelo au panthéon de la musique congolaise, a constitué le clou de chaque soirée. 
Repris à l’unisson par le public, cet hymne a fait vibrer, l’instant de ces quelques notes, la fibre patriotique des congolais. 

Pour la petite histoire, c’est après plusieurs années d’expatriation, notamment en Suisse, que Jacques Loubelo décide de rentrer à Brazzaville, en 2001. A la demande de ses amis. Pourtant, cette légende artistique nationale n’a jamais été récompensée par la République, mis à part sa participation aux festivités du cinquantenaire de l’indépendance. 

«Je me dis, certainement, que je n’en ai, peut-être, pas encore tout le mérite… et puis, je n’y pense plus. Aujourd’hui, je dis à ceux qui peuvent m’entendre ou m’écouter que je ne voudrais pas une récompense à titre posthume, parce que je n’en verrai pas la couleur», révèle t-il, avec une certaine amertume. «C’est un grand monument de la musique congolaise, un griot qui a beaucoup de choses à dire, non seulement à la jeunesse du pays, mais aussi à la jeunesse africaine», confie Freddy Kebano, producteur qui ne tarit pas d’éloge sur son aîné. 

Vivement sa première participation au prochain Fespam! 

Ifrikia KENGUE DI-BOUTANDOU (La Semaine Africaine)

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