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Les conteurs congolais conjuguent oralité et écriture. De gauche à droite: Gabiel Kinsa, Caya Makhélé, Jorus Mabiala.

Les conteurs congolais conjuguent oralité et écriture. De gauche à droite: Gabiel Kinsa, Caya Makhélé, Jorus Mabiala.
Bulletin-Littérature
Lundi 5 Avril 2010 à 12:00:00
(Congo-Brazza, France)
Les conteurs congolais, notamment Gabriel Kinsa, Caya Makhélé et Jorus Mabiala, ont fait vibrer le Salon du Livre, en particulier le stand Livres et Auteurs du Bassin du Congo, le 31 mars à Paris, au cours d'une table ronde sur « Le conte africain dans la littérature d'aujourd'hui ». Dans sa présentation, le modérateur, Caya Makele, a démontré comment l'art du conte s'inscrivait toujours dans la littérature africaine d'aujourd'hui, et sa participation dans la dramaturgie.
Gabriel Kinsa, auteur du Sorcier des fleuves inscrit, à travers son livre et le spectacle, le conteur dans le rôle de « passeur de sagesse, de culture, dans l'espace social ». Son plus jeune frère, Jorus Mabiala, s'inscrit dans la même lignée, faisant remarquer tout de même que le conteur, qui « re-lie les contes traditionnels au passé, est passé à l'écriture, pour épouser son temps ». Le conte dans littérature africaine d'aujourd'hui reste toutefois un chevauchement de récits à la fois du passé, du présent, de l'invisible, du visible, du vécu, un héritage, et une projection.
Gabriel Kinsa, ce conteur animiste, va chercher dans le passé la modernité, un mélange de mysticisme et du naturel, où « les morts ne sont jamais morts », où on entretient un échange permanent avec l'invisible, où seul « le temps est mort ». Il installe un dialogue permanent avec l'univers, avec l'histoire, le passé et le présent. Mais ses contes ont aussi un but instructif, par exemple comprendre pourquoi le chat miaule. Il bannit de son registre toute idée de fiction. « Le conte est la vie réelle », dit-il, le conteur restant « un diseur de vérité ».
Les contes ont été salvateurs pour Jorus Mabiala. C'est pour « tuer l'ennui » qu'il en est venu aux contes. L'histoire racontée n'est que pur prétexte, car en « chacun de nous il existe à la fois une grand-mère et un enfant ; la grand-mère qui est en moi raconte, et l'enfant qui est en moi écoute ». Nous serions donc par essence tous des conteurs, pense Jorus Mabiala. Une dualité qu'il faut rendre en éléments d'écriture, qui sera véhiculée en tant qu'objet pour partager et passer de l'oralité à l'écrit. Jorus Mabiala, regrette toutefois que les Africains soient obligés d'apprendre des contes qui n'épousent pas leur univers ; c'est le cas des fables de la Fontaine, qu'il a apprises de force à l'école.
Porteurs et transmetteurs de culture, les deux conteurs considèrent qu'ils ne peuvent être arrêtés par les frontières. Gabriel Kinsa veut éduquer à partir « du conte en temps que genre de littéraire ». Tous les deux utilisent la subtilité et la complexité de la diversité ethnique et linguistique qui constitue toute la richesse culturelle du Congo. Ils nous ont fait partager leurs peurs et leurs espoirs avec cette l'envie de capturer l'insaisissable, de s'intégrer, et d'intégrer leurs œuvres dans la mondialisation, dont leur littérature participe sans nul doute, mais dans ce qu'elle a de singulier. Pour montrer que « nous ne venons pas de nulle part, le conte vit, mais, qu'il ne faut pas le cloisonner, il faut l'améliorer, car il est ouverture d'esprit ».
Les contes africains d'aujourd'hui peuvent être résumés comme suit : « On ne vit pas dans le passé. On devient étranger. Cette étrangeté nous pousse à savoir ce qu'il en est de notre goût et de celui des autres. Il nous arrive cependant de mettre les pas dans ceux de notre enfance. Mémoire du passé, mais mémoire dépassée. Les véritables souvenirs sont ceux que l'on s'invente. »
Noël Ndong

Par Livresdubassinducongo.Over-Blog.Com

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