Quand la musique véhicule des antivaleurs, le public court en
droite ligne vers le suicide collectif.
La musique congolaise est en crise.
Des titres à thèmes et pédagogiques qui firent la célébrité de
Jean Serge Essou, Pamelo Mounka, Franklin Boukaka, Cosmos Mountouari, Youlou
Mabiala et autres, ceux d’animation prônés par la génération Aurlus Mabélé et
Extra Musica, cette musique s’est ouverte aux titres scandaleusement
pornographiques. Principalement ce couper-décaler à la congolaise pratiqué par
le disco-jockeys.
« Vutu
sa mante » ; « lukuni kabwa » ; « ça fait mal » ; « il a pissé dedans », etc.
Voilà les phrases pompeusement distillées dans le public à longueur des
journées. Un contenu essentiellement obscène, fait de grossièretés. Et comme
pour légitimer leurs crimes, les ténors de la musique de débauche mêlent dans
leurs textes luxure et noms des célébrités politiques, du monde du football
mondial, des généraux et autres officiers supérieurs des Force Armées Congolaises ;
« mabanga » oblige !
Et pour mieux défendre le droit à l’exaltation de l’érotisme le
plus débridé, quelques arguments sont avancés, hasardeusement :
On dit qu’en matière d’art, tous les sujets sont bons ; seule
compte la manière de faire. On dit aussi que lors de la célébration de certains
rites, au Congo comme chez beaucoup d’autres peuples d’Afrique, il est scandé
des devises très bouffonnes, accompagnant des chants également bouffons. Enfin,
on dit que cette musique s’inscrit dans la tendance actuelle ; « c’est ce qui se vend mieux de nos
jours ». Comme voilà des propos qui ne résistent pas à l’analyse.
Un des plus prolifiques coupeurs-décaleurs de Pointe-Noire: Dj Kani
Mais allons signaler avant tout examen de ces propos que ce
couper-décaler immoral a pour adjuvants, les tenanciers des bars dancing qui
mettent à fond le volume de leurs appareils pour mieux se faire entendre ;
les vendeurs de cassettes audio dans les marchés ; les chauffeurs de bus
et taxis, tous attirés par le rythme effréné de ces chansons, se souciant peu
de la morale. Mais le plus grand reproche, pensé-je, doit être fait à quelques
animateurs de radios et de télévision, surtout privées, qui manquent
d’autocensure.
Passons à présent à l’examen des différents arguments supra
mentionnés et justifiant la pratique de la musique de débauche dans notre pays.
Et d’abord. Il est certes vrai qu’en matière d’art tous les sujets
sont bons, seule la manière de faire compte. Pourtant il faut faire des choix
en tenant compte de la portée de son art, du rôle qu’on a à jouer au sein de sa
communauté à qui on sert les représentations qu’on se fait d’elle et de son
existence. N’oublions pas qu’il s’agit ici de la musique, un art à portée
universelle. L’artiste même doit savoir vivre en osmose avec la société, avec
la conscience de pratiquer un art qui soit utile et qui brave le temps. La
musique peut être prise alors comme « le
reflet de la conscience que les peuples se donnent d’eux-mêmes et du
monde ».
Pour le reste, il sied de dire que la chanson actuelle, avec les
moyens modernes de distribution et de diffusion, est d’une portée géographique
illimitée, contrairement au rite des jumeaux ou aux propos blagueurs des mères
et pères des jumeaux.
Notons que toute chanson est un univers de reconnaissance, de
reconnaissance de la culture et des mœurs individuelles de son auteur, mais
aussi reconnaissance du degré de culturation ou d’acculturation du public des
consommateurs. La chanson porte donc une marque d’identité individuelle, une
marque d’identité culturelle.
De ce point de vue, l’artiste devrait s’interroger sur la nature
des rapports qu’il doit avoir avec le public, avec l’histoire. Et si on s’en
tient à cela, la musique ne devrait pas être la tribune officielle de tous les
vulgarisateurs des antivaleurs dont on se sert à dessein pour déboussoler les communautés
et les individus les plus vulnérables.
Le coupeur-décaleur congolais se soucie peu ou pas du tout de la
valeur des mots, de la force de la parole sur l’individu. Or la création
musicale symbolise la résistance à la dépersonnalisation, et de l’artiste et du
consommateur de cette même musique, pour un épanouissement culturel, moral et
spirituel conséquent.
Le musicien, au-delà de la description qu’il fait du social, il
doit développer une thématique qui enrichirait les consommateurs du fruit de son
art, au point que ceux-ci y trouvent une constance propice de réflexion
profonde sur la vie, d’éducation, de structuration de la pensée et de
conceptualisation de la vie et du monde.
La tâche du musicien à ce moment-là, n’est pas que d’apporter du
rythme, mais que le rythme accompagne et sous-tende l’expression que l’on se
fait de l’être et de sa conscience à se réaliser pleinement en tant que être
porteur de valeurs.
Le Congolais est un être de respect, respect à l’égard de l’autre,
respect à l’égard de la famille et de la société, respect de la parole en tant
que action entreprise.
Notre société tout entière est fondée sur la musique. Ainsi les
questions liées à l’exercice de cet art qui se veut majeur sont d’intérêt
national et interpellent les pratiquants et les consommateurs, sans oublier les
pouvoirs publics dont la décision prime sur tout, y compris les médias.
En ces temps de dialogue des cultures, chacun accepte que tous les
vents soufflent à ses ouvertures – comme l’empêcher, d’ailleurs ? – mais
il est légitime que chacun refuse que ces vents emportent son toit, comme le
conseillait Gandhi. Pourtant la priorité de la culture congolaise l’expose à la
ruine. Protéger une culture, dit Marc Augé, c’est la tuer. Mais n’est-ce pas
produire le même crime que d’assister impavide à sa ruine ?
Que les musiciens Congolais se fassent alors une éthique qui
intègre aussi les mécènes et producteurs de musique, ainsi que les médias. Car
c’est souvent eux qui dictent leur volonté, au nom du business, exposant ainsi
le musicien qui se débrouille seul à trouver la porte de sortie. Sans demander
à qui que ce soit de proscrire ce couper-décaler à la congolaise dont l’un des
mérites est de donner une dimension révolutionnaire aux vieux airs des veillées
mortuaires et des retraits de deuil, il faut néanmoins appeler au
ressaisissement pour que soit évité le suicide collectif qui nous est proposé.
L’immoralité est le pire des dangers pour la société. Aux grands peuples, les
musiques éternelles, me permettrais-je de paraphraser.
Par Chardin KALA.
Enseignant,Ecrivain, Journaliste et Opérateur Culturel.
Contact: chardinkala@yahoo.fr
" N'est pas musicien qui le veut" dit le dicton, certaines personnes mal intentionnées se sont autoproclamées musiciens pour distraire la galerie avec l'appui bienfaisant des pouvoirs publics qui au lieu de censurer cette musique obscène et exécrable se complaisent à l’écouter à et la divulguer allègrement. Je dirai que ces "artistes" en mal d’inspiration devraient changer de métier à en croire le dicton précité. Je n'ai rien contre le coupé décalé, tout au moins celui qui nous vient de la Côté d'Ivoire qui a une autre élégance et qui est une belle peinture de la société, contrairement à celui qui est pratiqué actuellement au Congo Brazzaville. « La forme n'exclut pas le fond », au niveau de la forme on peut l’accepter à bien des égards cette musique, mais lorsqu'on examine le fond, on préfère ne pas se "salir les mains". L'on se demande même pourquoi les autorités ne réagissent pas face à cette violence musicale qui porte assurément atteinte aux bonnes mœurs? Loin d'adoucir les mœurs, cette musique a la particularité des les avilir et de les corrompre. Devrait-on dire que nous approchons la fin des temps lorsqu'on assiste à ce laissez aller? Il est inadmissible de constater l’inexistence de la censure chez nous, cela relève du passé car les gens vivent dans une insensibilité incroyable en cautionnant cette musique pornographique, qui d'ailleurs fait le bonheur de certains compatriotes qui la consomment allègrement puisqu’ils s’y retrouvent dans les fameux « mabangas ».
RépondreSupprimerCes artistes doivent s'inspirer des anciens, des ainés précités dans l'article pour espérer faire une bonne musique, on ne peut se démarquer des anciens car ils ont tracés la voix, la vanités des ses "pseudos artistes" fera qu'ils ne laisseront aucun héritage à la postérité, car l'on de se souvient du que bon, les mauvaises musiques disparaissent toujours avec leurs auteurs, car l'artiste meurt s'il n'a pas produit de bonnes œuvres, il est astreint à une obligation de résultat.
Personnellement, je suis l’un des artistes qi revendiquent l’héritage des ainés comme PAUL KAMBA, WENDO KOLOSOY, FRANKLIN BOUKAKA, KALLE DJEFF, KOSMOS MOUTOUARI, FRANCIS BEBEY , GERARD MADIATA,PIERRE AKENDENGUE,TABULEY,PAMELO MOUNKA,ESSOU JEAN SERGE pour ne citer qu’eux. Ces derniers ont au moins le mérite de nous laisser des œuvres immortelles, qui ne cessent de remplir nos cœurs de joie et d’allégresse. Ceux des jeunes artistes désireux de faire de la bonne musique devraient s’en inspirer à tout prix, au lieu de nous casser les tympans avec un tintamarre assourdissant et abrutissant.
Rufin Hodjar
Artiste Musicien
Tu as tout à fait raison mon cher Rufin Hodjar.
SupprimerJe serai tenté de dire à l'auteur de l'article, notre aîné Chardin Kala, de pouvoir se faire entendre au delà du simple article. Il est à Pointe-Noire et c'est là bas que sont enregistrés la plupart de ces morceaux. Peut-être une démarche de formation et de sensibilisation sur la teneur d'une chanson en faveur des artistes et quelques propositions aux Ministres de la culture et de la communication.