Livre: "Embrouillamini" de Nathalie Matingou
Nous vivons au sein de notre royaume les derniers jours du règne de notre roi Bucentaure ».
Ainsi commence " Embrouillamini Terre des Tronifer ", conte philosophique publié en 2009 par Nathalie Matingou aux Editions Aryon. Ce livre au titre éloquent, à la fois drôle et cruel, constitue avant tout une chronique historique de la décadence d'un royaume ni tout à fait proche ni totalement éloigné.
Assistante au sein d'un organisme de formation professionnelle (Interfor-Sia) depuis 17ans, Nathalie Matingou, 38 ans, vient de signer là son premier livre. Elle a accepté de répondre à nos questions.
Le Petit Robert définit le mot Embrouillamini comme « un désordre » ou une « confusion extrême ». Et c’est ce mot que vous avez choisi pour désigner ce pays qui est au cœur de votre conte. Quel est donc ce pays qui vous habite tant et qui se cache derrière ce royaume ?
Le royaume « Embrouillamini » n’abrite ni un pays ni une contrée à identifier. Il s’agit du récit des agissements des êtres humains à travers le prisme du caractère, du comportement et des velléités. Ces attitudes, que l’on retrouve dans les organisations, les entreprises, les Etats, les sociétés, sont souvent des corollaires de la gestion du pouvoir au sein de ces structures.
Un conte philosophique a pour fonction de faire réfléchir le lecteur. Ainsi en est-il des contes philosophiques de Montesquieu ou de Voltaire. Pourquoi le choix de ce genre littéraire et sur quoi voulez-vous précisément faire réfléchir le lecteur ?
Lorsque j’ai initié le processus d’écriture, je n’avais pas réfléchi au genre littéraire pour lequel j’opterais. Je me suis laissée porter par l’inspiration et les questions qui régulièrement m’amènent à m’interroger sur la structuration de ces groupes dans lesquels cette question de gestion du pouvoir se pose. J’ai écouté mes sentiments, mes pensées les plus élevées en terme d’idéal et mon humble expérience. Le genre littéraire de ce récit s’est esquissé tout au long de son écriture.
Si EMBROUILLAMINI entraînait une introspection du lecteur à travers le rejet des pratiques ignominieuses et pernicieuses de certains personnages alors ce conte se ferait l’écho, par opposition, d’une idée plus noble de la gestion de l’Homme au sein des organisations.
C’est avec beaucoup d’humour que vous dénoncez la folie des grandeurs et les excès des tyrans. En quoi l’humour peut-il constituer une arme contre la bêtise ?
L’humour permet, à certains égards, de porter un regard plus léger mais sérieux sur des questions existentielles voire essentielles mais aussi de mettre l’accent sur des attitudes dénuées de sens.
Quelle est la part de l’influence de la mythologie grecque chez vous ?
La mythologie grecque a exercé une importante influence dans la pensée et la littérature de certaines sociétés européennes. Ainsi en est-il de la société dans laquelle j’évolue qui a largement été imprégnée et structurée par l’héritage gréco-romain, de la même manière que j’ai été influencée dans mon cursus scolaire et dans mes lectures par ce patrimoine culturel. Je ne saurais pas plus évaluer la part de cette influence dans la société française que chez moi.
Votre père à qui vous rendez hommage dans la dédicace a été Ministre au Congo-Brazzaville. Son expérience gouvernementale a-t-elle été pour quelque chose dans l’écriture de ce livre ?
Il ne me semble pas que l’expérience gouvernementale de mon père ait joué un rôle dans l’écriture d’EMBROUILLAMNI. J’ai quitté mon pays d’origine, le Congo-Brazzaville, avant mon adolescence, il y a bientôt trente-ans. Et depuis lors, je ne m’y suis pas rendue. L’expérience gouvernementale de mon père fait partie de l’inconscient familial et a probablement laissé une empreinte émotionnelle. Cependant, l’écriture de ce livre est le résultat de mon expérience personnelle. Il n’en demeure pas moins que mon père, simplement en tant que père, s’est attaché et s’attache à nous transmettre, à me transmettre les valeurs traditionnelles, philosophiques, universelles qui le guident. Ces valeurs sont le fil conducteur de ma vie.
D’où vous vient votre goût pour l’écriture ?
Pas seulement pour l’écriture mais avant tout pour la lecture. A Brazzaville déjà, j’entretenais un lien particulier avec les mots, je m’amusais avec eux. Chaque mot renferme un voire plusieurs univers, une certaine forme de magie. L’amour que je porte aux mots a probablement été confirmé par mon environnement familial. Je me souviens de la bibliothèque que mes parents avaient à Brazzaville et dans laquelle j’aimais me réfugier pour parcourir les ouvrages qu’elle contenait. A ces occasions, je consultais systématiquement un ouvrage dédié à l’œuvre picturale de René Magritte. Pour anecdote, je venais d’arriver en France et j’avais été invitée à rejoindre ma classe pour mon premier cours : un cours d’Education Manuelle et Technologique. Le professeur montre une lithographie à l’ensemble de la classe et pose la question de savoir qui parmi nous peut lui dire de qui est cette lithographie. La classe était très silencieuse, très timidement j’ai levé la main et donné cette réponse qui me semblait si évidente : « C’est du René Magritte ». Je vous laisse imaginer la stupéfaction de mes professeur et collègues de classe à mon endroit.
Dans votre dédicace, vous écrivez : « A la mémoire de ma mère J.L. KEZO » et vous faites figurer son nom à la première page de couverture comme si elle était co-auteur…
Nous avons perdu notre maman alors que nous étions jeunes. Faire figurer ma mère en tant que co-auteur me permet de lui rendre hommage et de dire qu’elle vit en moi et certainement en chacun de ses enfants.
Sur quoi porte votre prochain livre et quel en sera le genre ?
Je laisserai, là encore, mon intuition me guider par rapport aux préoccupations qui m’habitent. Il existe plusieurs pistes, je pense explorer celle des « mots ». Le choix n’étant pas défini, vous comprendrez que je n’ai pas à ce jour réfléchi au genre littéraire que j’adopterai.
Y a-t-il des écrivains qui vous ont influencée ?
Effectivement des écrivains, tels que Platon, Voltaire pour ne citer que ceux-là, m’ont influencée à travers la rigueur de leur réflexion et les valeurs philosophiques qu’ils ont portées ; Emmanuel Dongala, Camara Laye… m’ont amenée à m’interroger sur le sens profond des choses, la tradition. Au-delà des écrivains il y a aussi le travail critique des chercheurs (par exemple le CESBC - Centre d’Etudes Stratégiques du Bassin du Congo) qui permet d’alimenter ma pensée sur les problématiques socioculturelles, économiques…
Propos recueillis par Marc Talansi.
(Source Mwinda)
Pour tout contact concernant son livre, il est possible d'écrire à l'auteur : nathalie.matingou@yahoo.fr
Nous vivons au sein de notre royaume les derniers jours du règne de notre roi Bucentaure ».
Ainsi commence " Embrouillamini Terre des Tronifer ", conte philosophique publié en 2009 par Nathalie Matingou aux Editions Aryon. Ce livre au titre éloquent, à la fois drôle et cruel, constitue avant tout une chronique historique de la décadence d'un royaume ni tout à fait proche ni totalement éloigné.
Assistante au sein d'un organisme de formation professionnelle (Interfor-Sia) depuis 17ans, Nathalie Matingou, 38 ans, vient de signer là son premier livre. Elle a accepté de répondre à nos questions.
Le Petit Robert définit le mot Embrouillamini comme « un désordre » ou une « confusion extrême ». Et c’est ce mot que vous avez choisi pour désigner ce pays qui est au cœur de votre conte. Quel est donc ce pays qui vous habite tant et qui se cache derrière ce royaume ?
Le royaume « Embrouillamini » n’abrite ni un pays ni une contrée à identifier. Il s’agit du récit des agissements des êtres humains à travers le prisme du caractère, du comportement et des velléités. Ces attitudes, que l’on retrouve dans les organisations, les entreprises, les Etats, les sociétés, sont souvent des corollaires de la gestion du pouvoir au sein de ces structures.
Un conte philosophique a pour fonction de faire réfléchir le lecteur. Ainsi en est-il des contes philosophiques de Montesquieu ou de Voltaire. Pourquoi le choix de ce genre littéraire et sur quoi voulez-vous précisément faire réfléchir le lecteur ?
Lorsque j’ai initié le processus d’écriture, je n’avais pas réfléchi au genre littéraire pour lequel j’opterais. Je me suis laissée porter par l’inspiration et les questions qui régulièrement m’amènent à m’interroger sur la structuration de ces groupes dans lesquels cette question de gestion du pouvoir se pose. J’ai écouté mes sentiments, mes pensées les plus élevées en terme d’idéal et mon humble expérience. Le genre littéraire de ce récit s’est esquissé tout au long de son écriture.
Si EMBROUILLAMINI entraînait une introspection du lecteur à travers le rejet des pratiques ignominieuses et pernicieuses de certains personnages alors ce conte se ferait l’écho, par opposition, d’une idée plus noble de la gestion de l’Homme au sein des organisations.
C’est avec beaucoup d’humour que vous dénoncez la folie des grandeurs et les excès des tyrans. En quoi l’humour peut-il constituer une arme contre la bêtise ?
L’humour permet, à certains égards, de porter un regard plus léger mais sérieux sur des questions existentielles voire essentielles mais aussi de mettre l’accent sur des attitudes dénuées de sens.
Quelle est la part de l’influence de la mythologie grecque chez vous ?
La mythologie grecque a exercé une importante influence dans la pensée et la littérature de certaines sociétés européennes. Ainsi en est-il de la société dans laquelle j’évolue qui a largement été imprégnée et structurée par l’héritage gréco-romain, de la même manière que j’ai été influencée dans mon cursus scolaire et dans mes lectures par ce patrimoine culturel. Je ne saurais pas plus évaluer la part de cette influence dans la société française que chez moi.
Votre père à qui vous rendez hommage dans la dédicace a été Ministre au Congo-Brazzaville. Son expérience gouvernementale a-t-elle été pour quelque chose dans l’écriture de ce livre ?
Il ne me semble pas que l’expérience gouvernementale de mon père ait joué un rôle dans l’écriture d’EMBROUILLAMNI. J’ai quitté mon pays d’origine, le Congo-Brazzaville, avant mon adolescence, il y a bientôt trente-ans. Et depuis lors, je ne m’y suis pas rendue. L’expérience gouvernementale de mon père fait partie de l’inconscient familial et a probablement laissé une empreinte émotionnelle. Cependant, l’écriture de ce livre est le résultat de mon expérience personnelle. Il n’en demeure pas moins que mon père, simplement en tant que père, s’est attaché et s’attache à nous transmettre, à me transmettre les valeurs traditionnelles, philosophiques, universelles qui le guident. Ces valeurs sont le fil conducteur de ma vie.
D’où vous vient votre goût pour l’écriture ?
Pas seulement pour l’écriture mais avant tout pour la lecture. A Brazzaville déjà, j’entretenais un lien particulier avec les mots, je m’amusais avec eux. Chaque mot renferme un voire plusieurs univers, une certaine forme de magie. L’amour que je porte aux mots a probablement été confirmé par mon environnement familial. Je me souviens de la bibliothèque que mes parents avaient à Brazzaville et dans laquelle j’aimais me réfugier pour parcourir les ouvrages qu’elle contenait. A ces occasions, je consultais systématiquement un ouvrage dédié à l’œuvre picturale de René Magritte. Pour anecdote, je venais d’arriver en France et j’avais été invitée à rejoindre ma classe pour mon premier cours : un cours d’Education Manuelle et Technologique. Le professeur montre une lithographie à l’ensemble de la classe et pose la question de savoir qui parmi nous peut lui dire de qui est cette lithographie. La classe était très silencieuse, très timidement j’ai levé la main et donné cette réponse qui me semblait si évidente : « C’est du René Magritte ». Je vous laisse imaginer la stupéfaction de mes professeur et collègues de classe à mon endroit.
Dans votre dédicace, vous écrivez : « A la mémoire de ma mère J.L. KEZO » et vous faites figurer son nom à la première page de couverture comme si elle était co-auteur…
Nous avons perdu notre maman alors que nous étions jeunes. Faire figurer ma mère en tant que co-auteur me permet de lui rendre hommage et de dire qu’elle vit en moi et certainement en chacun de ses enfants.
Sur quoi porte votre prochain livre et quel en sera le genre ?
Je laisserai, là encore, mon intuition me guider par rapport aux préoccupations qui m’habitent. Il existe plusieurs pistes, je pense explorer celle des « mots ». Le choix n’étant pas défini, vous comprendrez que je n’ai pas à ce jour réfléchi au genre littéraire que j’adopterai.
Y a-t-il des écrivains qui vous ont influencée ?
Effectivement des écrivains, tels que Platon, Voltaire pour ne citer que ceux-là, m’ont influencée à travers la rigueur de leur réflexion et les valeurs philosophiques qu’ils ont portées ; Emmanuel Dongala, Camara Laye… m’ont amenée à m’interroger sur le sens profond des choses, la tradition. Au-delà des écrivains il y a aussi le travail critique des chercheurs (par exemple le CESBC - Centre d’Etudes Stratégiques du Bassin du Congo) qui permet d’alimenter ma pensée sur les problématiques socioculturelles, économiques…
Propos recueillis par Marc Talansi.
(Source Mwinda)
Pour tout contact concernant son livre, il est possible d'écrire à l'auteur : nathalie.matingou@yahoo.fr
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