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BALLOU CANTA, DE RETOUR AVEC « BOBOTO »

« Boboto ». C’est le titre éponyme du tout dernier album de l’artiste congolais Ballou Canta paru le 26 mai 2015 et dont la présentation au public s’était faite un jour après au New Morning à Paris. C’est un opus de 11 chansons qui se laisse écouter, mieux voir,  comme les reliefs de différents paysages sonores traversés dans un voyage musical. Les vrais mélomanes devraient l’écouter pour mesurer la grandeur de cet artiste dont on parle peu au Congo et qui vit en France depuis le début des années 1980.



« Boboto », mot lingala et vocable polysémique voulant dire à la fois respect, honneur, dignité, grandeur ou sagesse, est celui que l’artiste a choisi à juste titre pour nommer sa galette musicale, son neuvième album solo. Ce  qui résume tout autant la dimension artistique du chanteur, sa vision et le travail qu’il propose à l’appréciation du public, non  seulement congolais mais aussi international, puisque c’est dans ce registre de l’universel qu’il se sent véritablement artiste. Chaque chanson explorant sa propre voie, sa propre thématique avec la même voix du chanteur comme dénominateur commun.Pour cet auteur-compositeur, interprète et arrangeur : «  la rumba a perdu de son lustre, il faut lui trouver un nouveau souffle sans perdre son essence. C’est à cela que je m’applique. Boboto est l’expression de ce travail de repositionnement de la rumba dans un univers musical qui connait sans cesse des bouleversements et des mutations, la rumba congolaise doit sortir du ghetto. Boboto est une vision au-delà de la simple rumba».

Pochette de l'album

Boboto, réalisé avec la complicité de son ami Antillais Hervé Celcal, est un produit sans encombrement du name-dropping (dédicaces ou mabanga) dénaturant souvent les chansons rumba,  c’est un album pur où les instruments ont le temps de s’exprimer sans être étouffés par les paroles.   En effet, l’artiste y invite les mélomanes de tous les horizons dans un voyage non linéaire. Lequel est  fait de différentes couleurs musicales et de moult escales dans de nombreux coins de la terre. Toujours sous les tropiques.  On pourrait dire qu’on regarde dans le miroir de sa vie d’artiste, c’est un vrai  reflet de sa carrière. Laquelle est faite essentiellement de riches rencontres artistiques et humaines, de découvertes d’autres cultures et de partages de la sienne. Ballou Canta est l’un des rares artistes du Congo Brazzaville à avoir une vraie visibilité sur la place de Paris et à bénéficier de prestigieuses collaborations musicales (Papa Wemba, Manu Dibango, Rey Lema, Oliver Ngoma, Fredy Massamba, Ronald Rubinel, Luciana, Koffi Olomide, Eddy Gustave, LokuaKanza, Black Bazar d’Alain Mabankou)…

Lui qui lança en 1990, avec Lokassa, le groupe Soukouss Stars, est présenté en ce termes par Vladimir Cagnolari  de France Inter sur le site web de RFI: «  François Ballou « Canta » est un trésor resté longtemps caché. Les non initiés le découvrent aujourd’hui aux côtés de Ray Lema, en maître-chanteur du bal de l’Afrique enchantée, ou en éminence noire du Black Bazar. Mais cette voix qui a si bien servi la rumba en son pays, avant de pimenter les années soukous de Paris, cette voix-là est comme les oiseaux qui se jouent des frontières et survolent au matin calme les eaux tumultueuses du fleuve Congo. Délicate, agile et baladeuse. Oui, car les voix comme les bateaux voyagent. Elles se chargent des airs et des rythmes, des couleurs et des sons des pays traversés. Du Cap Vert aux deux Congos, de l’Europe aux Antilles en passant par l’Afrique du Sud, le chant et les musiques de ce Boboto racontent les voyages de BallouCanta. Sa vie, par-ci par là. »

Dans « Boboto », l’oreille avertie sera attirée par un phrasé « rumbatique » très posé chantant l’amour, le courage, l’engagement, l’éveil et le retour aux sources traditionnelles dans un élan des rythmes antillais, capverdien, cubain et congolais. Au travers de cet opus, Ballou Canta nous sert de l’Afro-zouk à la sauce d’Oliver Ngoma, décédé en 2010 et à qui l’artiste rend hommage avec le titre « Madinina », du zouk love  antillais ( Djen Diallo), du Soukouss ( Ya Lile), du Folk Jazzy ( Zonga) , la morna ou la musique bresilienne (Zololo et Soki),  de la rumba pure (Ngando) , le m’tchatche (rythme traditionnel Vili ), du folklore modernisé ( Tamar),  de la salsa et bien d’autres sonorités fusionnelles.Ce sont des textes en Français, en Lingala et en vili (sa langue maternelle).
Cet album est distribué partout dans le monde et est en téléchargement légal sur iTunes et autres plateformes de vente en ligne. L’artiste attend d'avoir un partenaire pour la distribution au Congo et lance pour cela  un appel dans ce sens.
Pour rappel, il sied de dire que Ballou Canta est un ancien sociétaire de l’orchestre Télé-Music de Brazzaville. En 1978, il est lauréat du Prix de la chanson congolaise grâce à son premier disque « Sambala ». Aujourd’hui, il revalorise rumba au plan international avec « Boboto ».

                                                                                                                                     
                                                                                                              Privat Tiburce Massanga


Article paru dans la Semaine Africaine N°3520 du 14/08/2015





Privat Tiburce Massanga

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