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RAPHA BOUNDZEKI, UNE ETOILE QUI VIENT DE S’ETEINDRE

RAPHA BOUNDZEKI, UNE ETOILE QUI VIENT DE S’ETEINDRE

Par Privat Tiburce

Le Sage Rapha BOUNDZEKI a soufflé sur sa dernière chandelle le samedi 10 mai 2008 à Brazzaville suite à un accident vasculaire cérébral.
Le Congo tout entier pleure Rapha BOUNDZEKI. Ce chanteur atypique qui aura arrosé l’ouie des congolais pendant près d’un quart de siècle.

C’est le dimanche matin que ses fans et le public ont appris la disparition inopinée de l’auteur de la célèbre chanson « Christianisé » .
D’après Jean Raymond Albin LEMBADA, chroniqueur de musique officiant à Radio Congo et l’un des gens qui ont propulsé cet artiste, « le Congo vient de perdre le plus original chanteur de ses vingt dernières années ».
Kaly DIATOU, chanteur congolais , abonde dans le même sens en arguant que « Rapha fut un artiste charismatique et atypique. Il a fait l’unanimité et a clamé fort son amour pour le Congo et sa Capitale Brazzaville »

La dernière apparition scénique et publique de l’artiste a eu lieu à Hinda au mois d’avril à l’occasion de la célébration du double anniversaire du Préfet de Pointe-Noire, Monsieur Alexandre Honoré PAKA.

Résidant à Pointe-Noire depuis 1998, Rapha s’était rendu à Brazzaville il y a quelques jours pour chercher à rencontrer la première Dame du Congo ,Madame Antoinette SASSOU NGUESSO, pour lui exposer ses difficultés de vie suite à la destruction en 2005 de sa maison et de bien d’autres congolais auxquels les propriétaires fonciers avaient vendu des terrains dans la zone aéroportuaire. Les expropriés de cette opération n’ont jamais été dédommagés.

Par ailleurs, Rapha avait maille à partir avec les services du BCDA(Bureau Congolais des Droits d’Auteurs) du fait qu’il ne percevait presque pas ses droits.
Depuis toujours Rapha souffrait des troubles de comportement.
Ajouté à cela le manque d’un domicile fixe et digne, la non perception de ses droits d’auteurs, Rapha sombrait dans une situation mentale et physique difficile.
Chose qu’il expose dans une chanson intitulée « Destruction »à paraître bientôt dans « Sapologie III », grâce à Max TUNDE son producteur, dans laquelle il lance un cri de détresse.

Ainsi avait-il pensé résoudre ses problèmes à Brazzaville.
Avait-il pu rencontrer la première Dame ?
On n’en sait pas trop puisque la mort vient de le faucher.

L’histoire de Rapha BOUNDZEKI est celle d’un gamin du quartier Makélékélé à Brazzaville. Un jeune qui se destinait à une carrière de footballeur.
Le destin en décida autrement. Il deviendra l’un des chanteurs les plus populaires de ces dernières années.
Blessé à la jambe au cours d’un entraînement de football , son infirmier lui proposa deux bienfaits : soigner sa blessure et intégrer le premier orchestre de sa vie musicale.
RAPHA LE SAGE ; né Bernard BOUNDZEKI ; vit le jour à Brazzaville le 04 août 1961. Troisième d’une famille de quatre enfants , il perd très jeune ses parents.
Cela est vécu par le petit Boundzeki comme un vrai désastre.
L ‘enfant végète dans la capitale congolaise malgré l’assistance des gens de la famille et du quartier.
Dans sa langue maternelle ; le Lari ; « Boundzeki » veut dire « Nec plus ultra ; ce qui est bon , ce qu’il y a de mieux ».
Ce nom hérité de son grand père paternel lui donne de l’espoir.
Ses études s’arrêtent en classe de troisième et l’adolescent se lance dans le football.
Excellent joueur , il gagne la sympathie des amoureux du mwana –foot ( football de la rue pratiqué pieds nus).

Entre temps, dès son jeune âge, il est bercé par les décibels des bars-dancing de son quartier , par la « Voix de la Révolution Congolaise (actuelle Radio Congo) » et par la « la Voix du Zaïre (actuelle RNTC) ».
Les vedettes de l’époque sont celles de la nouvelle génération avec le phénomène SAPE, animations vocales et « sébènes » dans la musique congolaise et zaïroise.
PAPA WEMBA et EMENEYA , deux artistes installés sur l’autre rive du fleuve Congo eurent une forte influence sur Rapha , jeune apprenti chanteur.
A la télévision comme au cinéma ses idoles s’appellent James BROWN l’américain de qui il a hérité son gestuel scénique et Bob MARLEY le jamaïquain, l’éveillé et l’éveilleur des consciences du Tiers monde qui l’inspire par sa spiritualité et son engagement musical
( d’ailleurs il vient de décéder un jour avant la commémoration de la disparition de ce dernier).
Au début des années 1980 Rapha se lance véritablement dans une carrière musicale en intégrant en qualité de batteur le groupe VERITAS MUSIC dirigé par son infirmier , le guitariste du groupe Zéphirin KOULOUFOUA.
Le groupe a pour siège social le Pont du DJOUE à SANGOLO l’OMS.
Quelques mois plus tard , il passe de la batterie au chant avec succès après qu’un chanteur eut à mal interpréter une de ses compositions.
Une autre vie commence pour Rapha , celle de star de la chanson. La nouvelle idole des jeunes de tous les âges.
Sa façon de chanter ne ressemble nullement à celle d’un célèbre artiste.
La coïncidence est plutôt frappante avec le style d’un chanteur anonyme et atypique nommé DEMAZA MAKOFAYE.
Rapha reconnaissait avoir été influencé par cet homme. Une sorte de père spirituel .
Comme tout jeune qui se cherche , BOUNDZEKI mène une vie artistique instable.
Il passe dans plusieurs petits groupes parmi lesquels ATA LOKOLE à Ouenzé, CHAKA RAIL à Mfilou et VIVA LA SEMBADIA du quartier Mouyoundzi à Pointe-Noire.
Groupe dans lequel il chante avec Lucide GALANT(actuellement installé en Europe) .
La vie de Rapha devient celle d’un bohème .Il se livre parfois à des actes de scélérat . Aussi passe t-il douze mois en prison dans la ville de Loubomo, actuellement Dolisie dans le département du Niari , pour faux et usage de faux.

En 1984 - 1985 il renoue avec la musique en intégrant dans cette ville le groupe BAWADZE MELODIA laissé par Angelou CHEVAUCHET et dirigé alors par BONGO PROPHETA .

Depuis, son nom est resté dans toute les mémoires. Il aura frotté sa cervelle avec les plus grands noms de la musique congolaise et d’ailleurs à travers diverses manifestations, collaborations et le Festival Panafricain de Musique(FESPAM)..

En 1986 à Brazzaville il fait son entrée dans l’orchestre VERITABLE MANDOLINA où il chante avec une autre vedette du chant KARISSALA.
Des chansons exécutées avec maestria et des envolées vocales sans complexe donnent à ce groupe une côte particulière.
La télévision nationale congolaise diffuse régulièrement les clips du premier album de VERITABLE MANDOLINA.
Le titre phare est « christianisé » .Une signature de Rapha BOUNDZEKI.
La chanson clamée dans sa langue maternelle le lari gagne vite la sympathie du public congolais et kinois (RDC).
« Christianisé » une prière tirée de la Bible est chantée de façon particulière par un artiste on ne peut plus atypique : Look singulier, attitude loufoque, propos désopilants et caustiques.

En 1988 Le deuxième album du groupe est propulsé par la chanson
« parisien refoulé ».
Une description de la vie clandestine des immigrés africains en France .
Rapha un sociologue, un philosophe qui constate et qui propose des alternatives. La chanson le met sur le piédestal des grandes voix musicales du Congo.
Miné par son propre succès,VERITABLE MANDOLINA s’efface de la semaine musicale .
Rapha se lance dans une prestigieuse carrière solo.
Des rencontres ou featurings il les aura faits avec bon nombre d’artistes .
Ainsi Rapha aura travaillé avec PAPA WEMBA, BEN KULU(célèbre guitariste disparu) , YA LELE ,ROGER LUTIN ,DJUNY CLAUDE , Rigadin MAVOUNGOU, Stany RODRIGUEZ, Achille MOUEBO,VOLVO, DEBABA, DEFAO, CARLITO,JIVA WENDET..
Au début de sa carrière solo ,il enregistre deux opus avec DEBABA, CARLITO, et DEFAO.
Le titre phare est « Résultat du dimanche » . Deux jours de répétition auront suffi pour donner corps à ce tube.
Depuis, plusieurs albums se sont succédés grâce à sa créativité.
Certains connurent le succès escompté. D’autres furent des flops.
Ces différents albums qui jalonnent la carrière de Rapha sont « Mateya » réalisé sous la direction artistique de Kaly DIATOU, » Départ pour l’école », « Origine de la sape » , »parisien retenu », « Régime sans sel », « Tuvi mfumu », « la sapologie », « la misère du chauffeur » et bien d’autres opus.
Rapha aura scruté la société pour exploiter des sujets profonds et très liés à la réalité congolaise.

En dehors de ces propres chansons, il aura donné du sien pour donner une bonne couleur a la chanson « MABOUESSO » de stany RODRIGUEZ en 1989 et à « BEBE HOLLANDAIS » de Rigadin MAVOUNGOU en 1994.
En 2005 Rapha décide de rompre avec Max TUNDE son producteur lui reprochant de ne pas respecter les clauses de leur contrat de travail et de ne pas bien orienter sa carrière.
La séparation ne fut que de quelques mois puisque les deux réaliseront l’album « la sapologie II » et l’opus à venir « la sapologie III ».
Entre temps grâce à Max TUNDE , Rapha s’était produit en France en 2006 dans une salle parisienne.
La même année il a participé au concept « LA NUIT DU CONGO A PARIS « de Beethoven Germain MPELE YOMBO.
A Pointe-Noire Rapha avait créé un groupe qui fonctionnait en dent de scie « INTERNATIONAL BOUKE BOUKE » à cause des sautes d’humeur du leader.
Bien avant sa mort Rapha avait changé.
Il avait souvent des trous de mémoire jusqu’à oublier les textes de ses propres chansons. Il était devenu colérique et très nerveux. Il vivait réservé et casanier chez JAQUITO.
La mort de Rapha a été précipitée par ses conditions de vie.
Rapha est mort mais il restera présent dans nos cœurs et dans nos oreilles à travers ses œuvres.
« Le Brazzavillois BOUNDZEKI » nous espérons qu’il sera inhumé avec tous les honneurs que l’on doit aux grands hommes.
Si au Congo il y avait un panthéon , il y aurait eu sa place.


Privat TIBURCE
Tél : 00242 520 69 24

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